Un panneau « propriété privée, passage formellement interdit ».
Lyon (juillet 2024).

Du café et des jeux

Lyon (France), le

Faux départ pour les paiements dans les boutiques officielles et à la buvette. C’est même la douche froide au moment de payer une bière sans alcool à 8 euros au Parc des Princes lors du match de football Israël-Mali. L’objet du déni ? « Nous n’acceptons que l’argent liquide ou les paiements par carte bancaire mais uniquement Visa », souffle, elle aussi un peu dépitée, la jeune vendeuse.

Partenaire des JO de Paris 2024, le groupe bancaire se retrouve aussi en situation de monopole dans tous les sites de compétitions. Impossible donc de payer avec sa carte MasterCard physique ou virtuelle.

— Damien Licata Caruso, « JO Paris 2024 : comment payer sur les sites olympiques quand on n’a pas de carte Visa », Le Parisien, 25 juillet 2024

Avec la complicité du “gouvernement” français et un nouveau coup de cliquet vers le contrôle numérique des masses, le CIO s’est taillé dans Paris un fief régi par la loi du grand capital, où vous ne pouvez pas vous offrir une canette de Pepsi (Coca-Cola fournit les boissons) avec votre carte Mastercard (Visa fournit le système de paiement). Les athlètes qui ont reçu une médaille dessinée et présentée par le groupe LVMH doivent même prendre un selfie avec un smartphone Samsung avant de descendre du podium ! Le sport n’est plus qu’un prétexte à l’organisation d’une longue campagne publicitaire (chronométrée par Omega).


Est-ce un hasard ? Sur son site web, Loutsa ne vend pas le café Olympic (all you need are games and good coffee) que C a rapporté de notre boutique locale, mais un café 5 Continents (all you need are sport and good coffee). Quand la loi du plus fort, c’est-à-dire du plus riche, s’impose jusque dans ma tasse.

Comme son nom ne l’indique pas, ce blend est composé de cafés venus de quatre continents : l’Afrique avec le Burundi, l’Asie avec l’Indonésie, les Amériques avec la Colombie et l’Océanie avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée. La torréfaction est bien française, elle, trop sombre pour que l’on puisse encore distinguer les terroirs.

Le caramel a brulé, il y a moins de cerise que de cerisier, mais la longue note de chocolat qui finit par s’imposer n’est pas désagréable, surtout avec une goutte de lait. Un peu de fruit et beaucoup d’amertume, cela donnerait presque l’impression d’avoir bu la cérémonie d’ouverture.


« Alors qu’est-ce qu’on fait ? », demande le professeur Marcelo Pena, pris en tenaille entre le risque potentiel qu’il prend en donnant des cours de philosophie dans les “quartiers” (la loi de la jungle) et le risque évident qu’il encourt en acceptant une escorte policière (la jungle de la loi). Hobbes pensait être un philosophe de la cité, mais c’est en fait un philosophe des cités.

« Alors qu’est-ce qu’on fait ? », la question revient encore et encore, parce qu’il n’y a pas de question plus importante. Qu’est-ce qu’on fait pour être le digne successeur de son mentor tout juste décédé sans renier sa propre personnalité ? Qu’est-ce qu’on fait quand votre camarade de classe rentre en Argentine avec son CV interminable et sa morgue insupportable pour vous disputer le poste ? Qu’est-ce qu’on fait quand une étudiante gériatrique pense pouvoir acheter votre dignité à coup de dollars américains ? Qu’est-ce qu’on fait quand un gouvernement bêtement autoritaire ferme soudainement votre université ?

« Alors qu’est-ce qu’on fait ? » Tout cela (ne) se résout (pas) dans la dernière scène, j’en garde des frissons, Marcelo Subiotto est aussi juste dans la comédie scatophile que dans le tango mélodramatique. Je ne regrette pas de m’être posé la question et de m’être dit qu’on pourrait aller voir El Profesor, tiens.