Avoir sur soi au quotidien deux
La couture ressemble un peu trop à la programmation à mon gout. On passe beaucoup plus de temps à configurer son environnement de travail, documenter et déboguer que compiler. Je comprends mieux pourquoi je connais tant de développeuses-couturières. (Et je m’étonne de connaitre si peu de développeurs-couturiers, alors qu’il n’y avait que des hommes dans la mercerie où j’ai trouvé un superbe imprimé à rayures bleues pour accompagner le tissu Ikea Sandeternell qui est un véritable rayon de soleil.)
One of the ailments listed in “The Novel Cure” is “overwhelmed by the number of books in the world,” and it’s one I suffer from frequently. Elderkin says this is one of the most common woes of modern readers, and that it remains a major motivation for her and Berthoud’s work as bibliotherapists. “We feel that though more books are being published than ever before, people are in fact selecting from a smaller and smaller pool. Look at the reading lists of most book clubs, and you’ll see all the same books, the ones that have been shouted about in the press. If you actually calculate how many books you read in a year—and how many that means you’re likely to read before you die—you’ll start to realize that you need to be highly selective in order to make the most of your reading time.” And the best way to do that? See a bibliotherapist, as soon as you can, and take them up on their invitation, to borrow some lines from Shakespeare’s “Titus Andronicus”: "Come, and take choice of all my library/And so beguile thy sorrow…"
— Ceridwen Dovey, « Can Reading Make You Happier? », The New Yorker, 9 juin 2015.
Je crois avoir trouvé un autre antidote : la moyenne de l’année de publication de mes lectures doit correspondre à l’année de ma naissance. Si je veux lire un vieux bouquin, je dois lire un phénomène de BookTok, mais je veux lire une nouveauté, je dois lire un classique parmi les classiques.
Après avoir passé une soirée à m’exercer au sashiko, j’ai été pris d’une envie soudaine de me coudre une besace. Les sacs de Savage Industries correspondent parfaitement à mon esthétique, qui ne l’est pas, et leurs patrons sont disponibles en PDF. Sauf que s’ils ne coutent pas cher, ils ne valent malheureusement pas leur prix. Les fichiers ne peuvent être imprimés sur une mosaïque de feuilles A4, les mesures en unités coutumières sont souvent farfelues, les tracés ne sont pas toujours d’équerre et les instructions sont franchement indigentes. Dire que les patrons « are being provided in the true spirit of DIY, and the emphasis is on the Y part » ne peut absoudre de telles erreurs.
Je n’ai jamais vu autant de personnel, d’indications et même d’animations en gare. Comme quoi, les lieux publics peuvent être agréables. (Ou, si l’on veut voir le verre à moitié vide et je crois qu’il le faut, que l’hostilité habituelle des lieux publics est volontaire. L’oppression quotidienne et la violence ordinaire sont organisées pour empêcher toute forme de fraternité qui pourrait nous donner des envies d’égalité voire, quelle horreur, d’égalité.)
Même si j’ai pesté contre ses caprices, j’ai ressenti un petit pincement au cœur en utilisant la Singer Prima 20 de ma grand-mère. Je peux l’entendre pointer les défauts de toutes les choses qui me semblent “bonnes pour le service”, avec l’accent et tout, en puisant parmi ce qu’il reste de son stock d’aiguilles et de bobines.
Je ne connais pas de meilleur téléviseur que la fenêtre d’un train.
Malgré les défauts du patron, j’apprécie beaucoup la construction du sac EDC Two, qui rappelle l’assemblage traditionnel des besaces militaires. Entre le dépannage de la machine à coudre et la chaleur caniculeffrayante, il m’a demandé deux petits après-midis de travail, mais avec cette première expérience, je pense qu’il pourrait être cousu en quelques heures. Or je compte bien en fabriquer un deuxième… avec mon propre patron utilisant des unités raisonnables, du coton enduit, et puis des poches supplémentaires ainsi que des poignées plus solides.
Planté au milieu d’une pelouse desséchée entre un boulevard de fin du monde, une départementale qui ne va nulle part et un parking aux sanitaires hors service, le monastère royal de Brou ressemble à une attraction d’aire d’autoroute. Cela résume bien Bourg-en-Bresse, ville d’une extrême minéralité aux devantures vides, qui regorge pourtant de trésors si l’on se donne la peine de chercher. (Vous saviez ce qu’est une cocathédrale, vous ?) Nous avons marché quinze bornes qui nous en ont paru trente, et ce n’est pas la faute de la besace, mais j’ai comme l’impression que nous reviendrons.